Cela n’aura échappé à personne, c’est bientôt Noël. Je n’ai pas envie ici de vous parler déco, boule et sapin : d’autres le feront mieux que moi. Je pense aussi que cette période, qui devrait surtout être celle du partage, est malheureusement trop propice au mercantilisme.

Je préfère aujourd’hui parler d’un homme qui a toute sa vie oeuvré à marier esthétique et technique, en le faisant pour le bien de tous et surtout des nécessiteux : Jean Prouvé.

Un rapide coup d’oeil sur ses origines et sa généalogie nous permet de savoir qu’il est né en 1901. Son père Victor était peintre et appartenait au courant art nouveau. Jean aura un fils, Claude, qui suivra ses pas et deviendra architecte.

Après un apprentissage de ferronnier d’art, Jean prouvé fonde son premier atelier en 1924 à Nancy. Il ne tarde pas à avoir une première commande émanant d’un architecte de renom. C’est en 26 que Robert Mallet Stevens – je ne manquerais pas de vous reparler de lui car c’est l’un de mes architectes préférés – lui commande le portail de la villa Reifenberg à Paris.

Mis en avant par un réseau qu’il créé au gré des commandes, Jean Prouvé décide de quitter ses locaux de Nancy afin d’ouvrir un atelier plus grand à Maxéville. Il va à cette occasion utiliser des matières qu’un ferronnier traditionnel dédaignerait, notamment l’aluminium. Les techniques nouvelles qu’il met alors en oeuvre lui permettent des conceptions modernes et offrent des perspectives au créateur.

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ci-dessus, un bureau aux pieds compas : typique du style Prouvé.

Il forge également une vision de son métier tournée vers le futur. Il prône l’alliance de l’architecture, du design et surtout veut mettre la modernité et le confort à la portée de tous.

Pèle-mêle, il participe et s’engage sur des projets novateurs. Il créera le mobilier du sanatorium du plateau d’Assy, la maison du peuple de Clichy – souvent citée comme bâtiment précurseur de l’architecture moderne. Il collabore à la construction de la résidence universitaire Jean Zay à Antony.

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Ci dessus, la maison légère de Prouvé, visible au salon des arts ménagers. 1951.

C’est surtout deux projets – pourtant inachevés – qui donnent à Prouvé son statut d’homme engagé :
En 1950, il reçoit la commande de 12 maisons légères du ministère de la reconstruction. Ce projet devait être le prémisse à un plan de grande envergure de la part du gouvernement, qui abandonnera l’idée et n’honorera pas sa commande.
En 56 il dessine la « maison des jours meilleurs », également appelée « maison de l’Abbé Pierre ». Le Corbusier dira de cette maison qu’elle est la plus belle qu’il n’ai jamais vu. Malheureusement, la CSTB, organisme d’accréditation du bâtiment, refusera d’agréer le projet.

On pourra également citer sa contribution au monumental siège du parti communiste Français, oeuvre du génial et regretté Oscar Niemeyer.

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À gauche, la chaise Antony. À droite, la chauffeuse Kangourou.

Prouvé est mort en 1984. Il laisse un héritage architectural impressionnant et l’image d’un homme engagé à lutter contre la misère. Autodidacte passé de l’atelier à la table à dessin on peut également citer certaines de ses créations, à l’instar de la chaise Antony actuellement cotée 40000 euros pour un modèle original ou encore du fauteuil Kangourou, dont un exemplaire s’est récemment vendu un peu plus de 150000 euros. Prouvé aurait certainement regretté de voir son œuvre imaginée pour l’humanité s’arracher par quelques collectionneurs fortunés. Mais peu importe, c’est Noël, période mercantile s’il en est.